premières pages de mon nouveau roman.

Publié le par martel

La première fois qu’il entendit le bruit, Julien était dans sa chambre, cherchant désespérément le sommeil. La fille, allongée près de lui était décidément bien laide. Chaque fois qu’elle émettait un grognement, sa lèvre supérieure se retroussait, découvrant des dents jaunies par le tabac. Ses cheveux, étalés sur l’oreiller, étaient d’un blond pisseux. Julien comprit pourquoi elle les avait retenus dans un foulard noué à l’arrière dont elle ne s’était pas séparée pendant tout le temps qu’ils avaient dansé. Dans le café surchauffé, les autres filles, elles, secouaient la tête à se la décrocher, et se flagellaient le visage de leurs mèches poisseuses.

 

         Au milieu des ronflements de la fille, il avait perçu ce bruit plusieurs fois. Comme un gros livre qu’on referme brutalement sur un moucheron qui vous a tourmenté tout au long de votre lecture.

 

         Julien Godillot, probable descendant du fabricant de chaussures militaires du même nom, n’avait plus que deux heures à vivre. La fille décéderait dans l’ambulance sans avoir repris connaissance. Une entreprise de nettoyage serait envoyée sur les lieux après les constatations policières…

 

         Mais c’était de l’histoire ancienne. La Terre avait, depuis, tourné plus de mille fois sur elle-même, et pas moins de trois fois autour du soleil…Le commissaire chargé de l’enquête avait eu le temps de divorcer et de se remarier…

 

         Quant à l’auteur du carnage, on ne l’avait jamais retrouvé ni même identifié. Il avait pourtant eu le culot de téléphoner, d’une cabine, à la police, pour prévenir de la présence des deux cadavres. La jeune femme était dans un tel état qu’il n’avait pas imaginé qu’elle pût ne pas avoir rendu l’âme. Sans doute courait-il toujours, ou, plus vraisemblablement, avait-il trouvé un havre de paix où dépenser l’argent de Godillot. Ce dernier avait, en effet,  révélé où il cachait son bas de laine, et surtout la plaquette d’un kilo d’héroïne pure, quand étaient devenues intolérables les tortures physiques que son bourreau lui infligeait. Mais l’assassin était le seul à savoir tout cela !

 

         Trois ans après ce double meurtre, la maison trouvait enfin acquéreur. L’agent immobilier s’était bien gardé de porter à la connaissance des nouveaux propriétaires les raisons réelles de l’inoccupation de la maison…Après tout il n’avait péché que par omission. Il était vrai aussi que la propriété était éloignée de tout et que de coûteux travaux allaient devoir y être entrepris…

 

 

 

 

Publié dans andre.martel

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I
SLT CHARLES,<br />  <br /> Tu me donnerais presque envie d'écrire de la Fiction, super, longue vie à ce nouveau livre<br /> au prochain salon<br /> bisous ISA
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G
J'aime ce que tu écris.Quel tristesse que dans ce monde les écrits ne peuvent se partagés sans contrainte.Amicalement.
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C
cool!! j'aime ta façon d'écrire...c'est une écriture franche nette qui ne se "regarde pas écrire" dans la lignée de la littérature américaine ...
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W
moi qui manque tellement de temps..............me voilà accrochée ...............:o) .............
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S
Bonjour AndréJ'aime beaucoup le ton fataliste de ce passage, le regard très distant, presque indifférent avec une pointe d'ironie de l'auteur omniscient...La suite donc !
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